A Tanger, au Liban, à Alexandrie, à Istanbul, à Carthage, je n’étais qu’un oiseau de passage. A Malte, attaché à ce rocher par mes lettres de créance, je vois de ma fenêtre tourner le manège des saisons, et fleurir les orangers. Le soleil de Zebbug éclaire d’une façon rétrospective les étapes du chemin qui m’ont conduit jusqu’ici. Zebbug en maltais signifie le vieil olivier. Ils sont trois rescapés au fond du jardin, énormes, encore féconds de fruits. Paris semble loin, englué dans les divisons, peinant à dégorger une dépression qui dure depuis vingt ans. La Malte, comme on disait autrefois, respire loin de cet air aigre et des vieilles rancunes. C’est cette petite république catholique dont je veux parler, raconter ce cœur précis des eaux, qui semble dériver sans mourir au fil du temps, et ne réclame à aucun Européen d’abdiquer ses souvenirs.
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